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Vivre avec le vaginisme, et surtout, régler le problème.

Ecrit par Eli Juniper

Introduction (pas trop longue, parce que sinon ça décourage)

On a souvent entendu parler de ces femmes violées, agressées sexuellement, traumatisées dans l’enfance, l’adolescence ou l’âge adulte. Il s’agit d’un sujet devenu commun, banal, alors que c'est une expérience qui change profondément la vie d'une femme. Que le viol entraîne le vaginisme ou non, il reste gravé dans la tête de la femme, et peut occasionner des problèmes encore plus graves que le vaginisme (tentatives de suicides, conduites à risque avec le sexe et d'autres choses fort déplaisantes). On n’entend pas assez parler des femmes atteintes d’un vaginisme. Il s’agit d’une contracture des muscles entourant le vagin, un réflexe involontaire, qui empêche ou rend difficile et douloureuse la pénétration. Il ne s’agit pas, par contre, d’un problème physiologique, la plupart du temps. Le vaginisme est majoritairement psychologique.

J’aimerais partager mon histoire. Elle n’est pas représentative de ce que toutes les femmes atteintes de vaginisme endurent, elle n’est représentative que de ma propre expérience. Cependant, j’imagine que beaucoup de femmes ou d’adolescentes se reconnaîtront dans ce problème que j’ai dû surmonter, après tant d’année à me taire, à prétendre que je n’avais aucun problème, à endurer la souffrance sans pouvoir en parler autour de moi. Ce qui va suivre n’est pas joyeux, mais je peux vous assurer que la vie d’une femme atteinte de vaginisme ne peut pas être – complètement – joyeuse. Cela dit, je vous rassure, ça finit bien !

Chapitre 1er – La vie d’une adolescente innocente et renfermée.

Adolescente, je ne parlais jamais de sexe, ou très peu. Mes amies avaient une vie sexuelle active. Elles m’ont parlé de leurs premières fois avec un garçon, l’une me disant qu’elle n’avait pas du tout eu mal, l’autre me racontant que ça avait été très douloureux, mais qu’après plusieurs essais, elle avait commencé à ressentir du plaisir. Nos discussions dans les toilettes du lycée m’étaient instructives, mais aussi frustrantes. Je ne savais pas ce que cela faisait d’être pénétrée. De ressentir cette fusion de deux corps amoureux (ou pas, d’ailleurs). Je me sentais en retard, je me sentais nulle, bête, fade et sans saveur. Gênée, surtout, de parler de ce sujet qui m’a toujours mise mal à l’aise, pour bien des raisons.

Un jour de l’été de mes 16 ans, un jeune homme m’a invitée à regarder un film chez lui. J’étais tellement heureuse qu’il m’apprécie et qu’il veuille bien passer du temps avec moi que j’ai accepté sans sourciller. Nous avons regardé le film, en effet. Ça aurait pu s’arrêter là. J’aurais pu lui dire au revoir, d’un baiser, et retourner chez moi ; le souvenir d’une après-midi d’été douce et agréable, à partager ma passion avec un garçon que j’aimais bien. Seulement, il m’a dit « tu veux voir ma chambre ? » et, innocente que j’étais, je n’ai pas compris ce que ça sous-entendait. J’ai accepté, nous sommes montés, et à ce moment-là, il a commencé à me déshabiller. Je me souviens qu’à l’intérieur de ma tête, je sentais la gêne, la pudeur, le refus. Je n’ai rien dit, rien fait. Puis, il m’a amenée sur le lit. J’étais nue, vulnérable, complètement sans défense et je n’osais rien dire. Je ne voulais pas me l’avouer, à l’époque, mais j’avais peur qu’il cesse de m’apprécier si je lui disais « non » et que je me rhabillais, prenais mon sac et partais.

© Brice Portolano

Il m’a pénétrée avec ses doigts, plusieurs à la fois, très brutalement. J’étais terrifiée, j’étais tremblante et je voulais mourir de honte. Mais je n’ai rien dit. Je crois avoir gémit, ce qu’il aurait pu prendre pour un gémissement de plaisir. Seulement j’étais tellement tendue, frémissante et immobile que je pense, maintenant, qu’il savait très bien que ce qu’il me faisait était mal. Il a fait des vas-et-viens pendant un long moment, et je hurlais dans ma tête, je criais de toutes mes forces de douleur, de peur, de haine, de tristesse. Il a cessé, je me suis rhabillée, je ne me souviens pas de ce qu’il m’a dit. Je me souviens par contre d’être sortie, d’avoir réprimé un sanglot, et d’avoir retrouvé mes amies chez moi. Elles m’ont demandée comment s’était passée mon après-midi chez Benoit – tous les noms de ce témoignage ont été changés, mis à part le sien. Il ne lira probablement jamais ces lignes, mais j’aimerais qu’il ressente la même honte que j’ai ressenti. Je leur ai dit que ça avait été, mais qu’il avait été très insistant. J’ai complètement passé sous silence la vérité. A dire vrai, je n’avais même pas conscience que je venais de me faire violer. Cela en dit long sur ce que l’on apprend aux adolescentes sur le viol et l’agression sexuelle. Je ressentais une honte terrible. De n’avoir pas hurlé à voix haute, de n’avoir pas essayé de me débattre et de partir. En bref, je me blâmais pour ce qui s’était passé.

Il me semble que c’est très habituel. Qu’une femme (ou un homme) s’en veuille, après un viol. La culpabilité pèse sur les épaules et plutôt que de blâmer la personne en faute, on retourne la haine contre soi-même.

Je n’ai jamais parlé à ce jeune homme, Benoit, de ce que j’avais ressenti, de ce qu’il m’avait fait subir. Comme je l’ai dit plus haut, je n’avais pas conscience qu’il s’agissait d’un viol.

Plus tard, mes amies me parlaient toujours de leurs expériences sexuelles, et je sentais au fond de moi cette différence, cette douleur, cette affreuse impression que je ne serai jamais normale. Jamais une femme.

Chapitre 2 – La patience d’un premier amour

A 17 ans, j’ai vécu une histoire avec un jeune homme. Appelons le Olivier. Nous nous sommes embrassés, et naturellement, nous sommes allés vers le lit. Je commençais déjà à ressentir la peur, l’effroi même. Je l’ai arrêté dans ses baisers et je lui ai expliqué que j’étais vierge, que j’avais une véritable phobie de la pénétration et que je ne lui demandais que de la douceur. Il a été très compréhensif. Nous avons essayé. J’ai ressenti cette douleur innommable, inqualifiable, qu’entraine le vaginisme. La façon la plus simple de l’expliquer est que l’on a l’impression que l’on nous déchire le vagin avec des couteaux aiguisés. Il était très gentil, et, ne voulant pas me faire de mal, nous avons arrêté d’essayer pour cette nuit-là.

4 ans. 4 ans de vie commune, d’amour, de patience, d’essais infructueux et frustrants. Il ne m’a jamais laissée. Même quand je suis tombée en dépression, et qu’il a fallu s’occuper de moi comme d’une patiente d’hôpital. Je n’oublierai jamais la reconnaissance que je lui dois.

Pour remettre les choses dans leur contexte, je me dois de dire qu’il avait beau être parfait à bien des égards, il n’était vraiment pas à l’aise vis-à-vis du sexe. Pour de multiples raisons, que je tairai par respect pour lui. Malgré sa douceur, sa patience, sa bonté et son amour inconditionnel, il n’a jamais réussi à me mettre en confiance avec le sexe. Au bout d’un moment, j’ai commencé à simuler la jouissance, pour ne pas le vexer, pour ne pas le faire trop attendre, pour ne pas continuer plus longtemps une activité qui m’ennuyais et me gênais. J’avais plus que jamais l’impression de n’être ni une enfant (car, enfant, on ne pratique pas la fellation), ni une femme. Un entre-deux. Une fraude.

C’est à ce moment que je me suis coupée de tous les gens que j’aimais. Même mes parents et mon petit frère. Même ma meilleure amie. Je souffrais tellement que j’avais un besoin vital, maladif d’être seule avec ma souffrance. J’ai vécu ainsi pendant quelques années. J’ai fréquenté une clinique pendant trois semaines, désespérée, ne voyant plus le bout du tunnel. C’est à cet endroit que j’ai pris conscience, grâce à une psychologue de l’établissement, que j’avais vécu un viol. Elle m’a dit que ce n’était pas une expérience normale, que c’était grave mais que, surtout, je n’avais pas à avoir honte. J’ai alors senti un poids sur mes épaules qui se soulevait, semblait s’envoler. Il n’était pas parti, juste légèrement amoindri. Je suis sortie de la clinique, pensant aller mieux. Mais je suis vite retombée dans mes vieilles habitudes. J’ai continué à fumer du cannabis, afin d’oublier ma vie, de l’oblitérer dans la brume de mon esprit tourmenté.

© Brice Portolano

Je voudrais parler de l’examen gynécologique. Sujet sensible pour moi, du fait de ma peur des médecins, en général, mais particulièrement des médecins qui s’occupent d’ausculter le vagin. Ma mère m’a dit – entre deux crises de nerfs – qu’il fallait que j’aille voir une gynécologue, pour la pilule. Je n’avais pas encore parlé à mes parents du fait que je n’avais pas de relation sexuelle avec pénétration. Je suis donc allée voir une gynécologue – non pas pour la pilule mais pour savoir ce qui gênait la pénétration. Je l’ai trouvée facilement sur Internet, sans me renseigner – grosse erreur.

Cette femme était froide, pas du tout compréhensive et m’a véritablement traumatisée des examens gynécologiques. Je lui avais précisé que j’étais vierge, elle m’a mis un speculum normal, je lui avais dit que j’avais une douleur intense dès qu’on me pénétrait, elle m’a pénétrée de ses doigts sans prévenir, sans douceur et m’a fait souffrir le martyr. J’ai hurlé « Arrêtez, ça me fait trop mal », elle m’a dit « Ça fait mal où ? ». Elle a continué son examen sans prendre en compte mon ressenti. J’ai payé, je suis sortie, et là, j’ai ressenti cette même honte que j’avais ressenti pendant et après mon viol. J’ai beaucoup pleuré ce jour-là. Les souvenirs du viol me tourmentant revenus dans mon esprit du fait de cet examen brutal. Heureusement, tous les gynécologues ne sont pas ainsi. Ce docteur était décidément une très mauvaise gynécologue. J’insiste donc sur le fait de se renseigner, ou de se faire conseiller une gynécologue, dès qu’on est atteinte par le problème du vaginisme.

J’ai été voir une deuxième gynécologue, qui, elle, a été beaucoup plus douce et compréhensive. Elle m’a pénétrée avec un coton tige et elle m’a conseillée de le prendre et de m’habituer à la sensation. Elle m’a dit que les parois de mon vagin sont des muqueuses, et que physiquement, ce n’était pas possible que ça me fasse mal. Que c’était plus ou moins comme les parois à l’intérieur de ma bouche. Elle m’a ensuite lentement et doucement pénétrée d’un doigt et m’a fait un examen simple et normal pour une fille vierge. Elle a été très gentille et m’a redonné foi en les gynécologues.

Pour revenir à ma relation avec Olivier : finalement, las de ne pouvoir me venir en aide, il a contacté mes parents, qui sont venus me chercher, et m’ont ramenée chez eux, dans le Sud de la France. J’ai ressenti la déchirure du cocon confortable, l’affreuse souffrance de la séparation avec la seule personne qui m’aimait vraiment – avais-je l’impression, à l’époque.

Chapitre 3 – La passion dévorante qui ne mène à rien

Dans le Sud de la France, j’ai commencé à renaître, doucement, lentement, mais sûrement. Avec l’aide de ma mère, j’ai recommencé à manger convenablement, à me laver quotidiennement. J’ai recommencé à vivre un semblant de vie paisible. Pas heureuse, mais apaisée.

Je ne me souviens pas du moment où j’ai abordé le problème du vaginisme avec ma mère. A l’époque je n’avais pas de mot pour le définir.

J’ai raconté le viol, avec des mots maladroits, avec une boule dans le ventre. Je ne me souviens pas de sa réaction vis-à-vis de ce que je lui ai dit sur le viol. Je me souviens par contre de la réaction de mon père. Il était en colère, contre moi, contre mon violeur. Il m’a crié « Pourquoi tu n’as rien dit ? Pourquoi tu ne nous en as pas parlé ? ». J’ai pleuré, et j’ai dit « Parce que vous n’auriez pas compris ».

Je fumais encore beaucoup de cannabis et, mon père, voulant me venir en aide, m’a proposé d’aller en désintoxication. J’ai accepté l’idée, comme un déclic que c’était la bonne chose à faire pour m’en sortir. J’y suis donc allée. J’y suis restée trois semaines.

J’ai beaucoup parlé avec un homme de trente-neuf ans, Jeremy. J’ai parlé de cinéma, de musique, de jeux-vidéos, de la vie, de la mort, de la dépression, et même du viol. Et là, je suis tombée profondément amoureuse. J’aimais Olivier, mais c’était plus comme un jumeau, une relation fusionnelle, mais plus amicale et fraternelle que véritablement amoureuse. Avec Jeremy, j’ai connu cette sensation dévorante de l’amour passionnel. Ma période de reconstruction m’a permis de parler avec plus de facilité de mon problème de viol et de vaginisme. C’est d’ailleurs à peu près à ce moment-là de ma vie que j’ai appris le terme « vaginisme ». Je ne suis pas pour que les gens soient mis dans des cases et je ne veux pas que mon problème soit étiqueté. Mais mettre un mot sur ce qui m’arrivais était une libération en soi. Je me suis dit « Ça existe. C’est réel. Ce n’est pas que dans ma tête. Je ne suis pas seule ».

Je suis sortie de la clinique, fraîchement séparée du cannabis, et surtout, bien plus heureuse que je ne l’avais jamais été avant d’y entrer – excepté peut-être dans ma petite enfance. Je me sentais vraiment revenir à la vie, comme si ces dernières années n’avaient été qu’un purgatoire duquel je devais absolument sortir pour retrouver la joie, la vie. J’ai vécu de bons moments avec Jeremy. Nous avons ri, nous nous sommes embrassés, nous avons eu des relations sexuelles, également. Elles n’étaient pas satisfaisantes de mon point de vue, mais j’avais tellement peu d’attentes concernant le sexe, du fait de ce qui m’était arrivé, que je n’en avais pas grand-chose à faire. J’étais purement et simplement amoureuse. Nous avons essayé la pénétration vaginale, cela n’a pas fonctionné.

© Brice Portolano

C’est à ce moment précis que j’ai pris la décision de faire activement quelque chose pour remédier à ce problème. Auparavant, j’étais fataliste. Je ne pouvais pas. Point. Mais vivre cet amour m’a permis de prendre la décision d’aller de l’avant, d’oublier le viol, de surmonter mon vaginisme, et d’être une femme. Une vraie. Je me souviens très bien de la réaction de ma mère quand je lui ai parlé de ça. De ce sentiment que je n’étais pas une femme, parce que je ne pouvais être pénétrée, et que je voulais tout faire pour remédier à ce problème. Elle m’a dit « il y a des problèmes plus urgents à régler ». J’ai eu envie de lui mettre un claque, de la secouer. NON ! Il n’y a pas de problème plus urgent à régler. Se sentir femme, profiter du sexe, aimer jusqu’au bout est primordial.

Je ne dis pas que c’est la vérité. Qu’on est pas une femme tant qu’on n’a pas été pénétrée. Je dis juste que c’est ce que je pensais, et ce que je pense toujours, d’ailleurs. C’est ma vérité. J’ai pris rendez-vous chez un sexologue et j’ai commencé à faire des exercices qu’il m’avait recommandé de faire.

Je vais parler en termes pratiques, pour celles que cela aiderait : J’ai commencé par prendre de l’huile d’olive (oui, je sais, ça paraît complètement idiot, mais du moment qu’on peut le mettre dans la bouche et l’ingérer, cela n’a rien de nocif ou de sale.) pour lubrifier. Je ne me sentais pas encore capable d’aller en pharmacie pour acheter du lubrifiant. J’ai mis sur mon doigt de l’huile et j’ai commencé à toucher l’entrée de mon vagin. Tout doucement, lentement, juste pour m’habituer à la sensation. Le sexologue m’avait expliqué qu’il fallait essayer de pénétrer en douceur, et d’arrêter de bouger dès que ça faisait mal, que la douleur passerait, et qu’il fallait continuer jusqu’à mettre un doigt entier. Avant ces exercices, je ne pouvais même pas moi-même mettre un seul doigt dans mon vagin. J’ai fait cela pendant quelques temps, enfermée dans la salle de bain, avec la bouteille d’huile d’olive, me sentant idiote et ayant envie de rire de moi-même, trouvant la situation ridicule et cocasse. Et puis, au fil de ces exercices, de l’hypnose que me faisait faire le sexologue, j’ai commencé à me détendre. Vous pouvez mettre de la musique, ou bien penser à un endroit paisible, un endroit que vous aimez, imaginaire ou réel. Et même faire les deux. Cela aide vraiment.

Jeremy m’a quittée et j’ai eu le cœur brisé. Il m’a dit qu’il aurait voulu m’aider avec mon problème, mais qu’il ne pouvait pas m’infliger sa souffrance – il était encore en profonde dépression.

J’ai vécu huit mois très difficiles, de solitude, et de frustration sexuelle et amoureuse. Mais j’ai continué à faire ces exercices, oubliant parfois, mais revenant à eux, par détermination, par envie, par choix et par désir de liberté de mon corps.

Chapitre 4 – Le début d’un espoir

Je vous parle de mes différentes relations amoureuses, non pas dans le désir de raconter simplement ma vie amoureuse de ces dernières années, mais parce qu’elles sont indissociables de ma libération sexuelle. Vous ne pourrez pas – du moins je ne pense pas – vous libérer de ce problème si vous n’avez pas une confiance véritable dans la personne qui vous touchera. J’ai tendance à faire vite confiance aux gens, ce qui m’a valu des déboires bien sûr, et paradoxalement, j’ai aussi beaucoup de mal à l’accorder. Nous sommes tous des êtres paradoxaux. Je pense que j’ai peur de faire confiance, mais que j’ai aussi très envie de vivre dans l’espoir, dans l’amour, et, naturellement, dans la confiance que j’accorde à autrui.

Tim était un jeune homme charmant. Je l’ai rencontré en allant voir à Montpellier un ami acteur, qui avait joué dans mon film. Nous avons parlé des heures sur la terrasse, nous nous sommes racontés nos vies, nous avons parlé de mes films, de ses voyages. Et tout naturellement, j’ai parlé de mon viol et de mon problème. Je désirais ce jeune homme, et je voulais tâter le terrain avant de commencer quoi que ce soit de sexuel avec lui. Il a été très étonné que j’en parle avec autant de facilité. Je lui ai dit que j’y travaillais depuis mes seize ans, et que j’avais commencé à faire le deuil, à présent.

Ces moments étaient magiques, incroyables, et délicieux. Nous nous sommes embrassés, après avoir regardé un film que nous aimions tous les deux, et il m’a dit qu’il ne voulait pas aller trop vite, qu’il voulait vraiment que je me sente en confiance, à l’aise. A vrai dire, je lui ai fait confiance très vite, mais j’ai compris qu’il voulait m’aider, réellement, à me détendre, à apprivoiser le désir, et aussi le plaisir. Nous nous sommes enlacés très fort, caressés le corps, embrassés. Nous n’avons pas été plus loin ce soir-là. Le lendemain, je suis repartie de Montpellier, des souvenirs pleins la tête, me réjouissant de cette nouvelle vie qui m’apportait du bonheur inattendu.

© Adelythe Wilson

Il est venu chez mes parents quelques jours plus tard. C’est avec lui que j’ai commencé à véritablement apprécier le sexe, pour ce que c’est. Un échange de désir, de plaisir, de bonheur et de joie commune. Il m’a fait jouir, plus vite que n’importe qui d’autre avant lui, et j’ai ressenti cet intense plaisir comme la libération d’une tension sexuelle accumulée depuis des années. Avant d’essayer avec son sexe, il m’a proposé de me pénétrer d’un doigt. J’étais plus libre, mais encore très gênée. Pourtant, lorsqu’il m’a pénétrée de son doigt, je n’ai pas eu mal. J’insiste sur la notion de confiance, qui doit être mutuelle et surtout ressentie au plus profond de soi-même. J’insisterai aussi sur la notion de désir. Je le désirais véritablement, j’avais envie qu’il me pénètre.  Cela est très important pour se défaire de ce blocage. L’envie. Elle revient, petit à petit, comme un animal à apprivoiser.

Il m’a dit quelque chose dont je me souviendrai toute ma vie. Il m’a dit « Je préfère une femme qui pratique les préliminaires avec plaisir et enthousiasme et qui ne peut être pénétrée, plutôt qu’une femme qui veut seulement être pénétrée ». Personne ne m’avait jamais dit cela, et j’ai senti en moi une reconnaissance incroyable envers ce jeune homme que je ne connaissais que depuis quelques semaines. Il m’a également fait des compliments que j’ai trouvé saugrenus mais qui m’ont fait me sentir femme. Que j’étais belle, vraiment belle, que mon corps était parfait tel qu’il était, que j’étais douée pour le sexe et que j’étais une amante géniale.

J’ai arrêté de voir ce jeune homme parce que je souffrais trop de son non-engagement. Mais il m’a apporté beaucoup, en termes de confiance en moi et en mon corps. Je sentais les choses se décanter dans ma tête, et le blocage s’amenuiser à vue d’œil.

Chapitre 5– L’ami devenu amant

Tout n’a pas été parfait, dans cette reconstruction, amoureuse et sexuelle. Et je dois vous l’assurer : cela vous arrivera. Il y en aura qui vous diront qu’ils comprennent, qu’ils vous soutiennent, qu’ils vous aiment. Mais ce sera faux. Il y a des hommes qui ne se contrôlent pas, qui ne pensent qu’avec leur sexe, et qui voudront vous faire croire, qu’en plus, c’est votre faute, et que vous les avez utilisés. Passons sur ces hommes-là qui, certes, existent, mais qui ne valent pas la peine que je vous en parle outre mesure. Sachez simplement qu’il faut être prudente dans la confiance qu’on accorde. Ne faites pas les mêmes erreurs que moi, à tellement vouloir régler votre problème que vous accordez votre confiance à des imbéciles qui ne la méritent pas.

J’ai une chance incroyable, et j’en suis très reconnaissante. Une ancienne amie – que j’avais perdue de vue pendant mes années sombres de dépression et d’addiction – souffre également de vaginisme. Pour elle, ce n’était pas une expérience de viol qui a engendré ce problème, mais une phobie de la grossesse et également un manque de confiance en les hommes. Le vaginisme peut être entrainé par tout un tas de raisons, diverses et variées. Plus les mots sortiront, plus le silence sera rompu, et moins la honte, la gêne sera si immensément grande. 

Partager ce problème avec quelqu’un de mon entourage proche m'a été également utile. Nous pouvions en parler, nous conseiller, nous épauler, pleurer et nous construire ensemble.

Nathan était un ami au lycée – période pendant laquelle j’étais très misanthrope et renfermée sur moi-même – et il se trouve qu’il était amoureux de moi. Je l’ai rejeté à ce moment-là, n’étant ni intéressée, ni désireuse de sortir avec un garçon de mon lycée, qui, de plus, me semblait assez immature. Nous nous sommes revus des années plus tard, et nous avons eu une histoire ensemble. Il m’a ouverte à l’idée de Dieu, de la religion centrée sur l’amour – le Soufisme – et à bien d’autres sujets qui m’intéressaient. Mais surtout, sexuellement parlant, il a représenté les prémices d’une liberté sexuelle durement acquise. Il m’a proposé que je me touche devant lui, afin de désacraliser le problème, afin de le rendre normal. Je l’ai fait, et j’ai réussi quelque chose que je n’avais jamais réussi avant : je me suis pénétrée de trois doigts.

Il a également eu l’idée de me donner du plaisir en même temps qu’il me pénétrait de ses doigts. J’ai ainsi continué à me débloquer, à ressentir toujours plus de plaisir, toujours plus de joie à faire l’amour. J’ai toujours eu un problème, un blocage avec les mots – ironique pour une scénariste et romancière. Notamment les mots d’ordre sexuels. Je parlais comme une petite fille prude. Il m’a alors dit « Dis ce que tu veux, il n’y a aucun jugement, c’est même très excitant ». Je n’ai pas réussi. Ce n’était pas grave. Ça allait finir par venir.

J’aimerais également aborder le sujet de la sodomie. Auparavant – avant mon histoire avec Nathan – j’étais très mal à l’aise à l’idée de me faire pénétrer de cette façon. J’avais peur d’avoir mal, que ça ne me plaise pas, et surtout : ça ressemblait de près à une pénétration vaginale. Le blocage dans ma tête était lié à la pénétration en général, pas forcément vaginale.
Nathan m’en a parlé, il m’a demandé si je voulais essayer. J’ai alors décidé que ce serait une bonne expérience, même si, au final, je n’aimais pas cela.
Je n’ai effectivement pas apprécié, mais je dois dire que la taille imposante de son pénis avait quelque chose à voir avec ma douleur.

Je l’ai quitté parce que nous avions une relation à distance, et que je souffrais de son absence. Mais comme je le disais : il a été les prémices de quelque chose d’extraordinaire.

© Adelythe Wilson

Chapitre 6 – Le meilleur chapitre de ce témoignage

A l’âge de 23 ans, j’ai déménagé à Montpellier, ville qui me rappelait l’heureux souvenir de ma rencontre avec le jeune homme dont j’ai parlé plus haut. Ces deux premiers mois ont été les deux mois les plus formateurs de ma vie (ou presque) en matière de sexe et de liberté.

Le père de mon colocataire faisait de la réflexologie, une médecine alternative. J’ai donc pris rendez-vous, et j’ai fait une séance. Après cette séance, j’ai été littéralement submergée de souffrance. Les quelques jours qui ont suivis ont été d’une terrible dureté. Toute la souffrance que je n’avais jamais su réellement exprimer, toute cette peine, cette tristesse, ce mal-être sont ressortis et m’ont oblitérée. J’ai eu envie de mourir. Ce n’était pas la première fois dans ma vie, mais cette fois-là, j’ai vraiment hésité à sauter le pas et à me jeter sous une voiture. Ce sont des mots durs, ce sont des choses difficiles à comprendre pour les gens qui ont une vie qui leur plait, qui n'ont jamais eu une telle pensée, qui n’ont jamais eu de soucis de remise en question perpétuelle, d’exigence envers soi-même et envers les autres. Pour les gens qui n’ont jamais vécu de harcèlement moral, de viol, de vaginisme, de psychose ou névrose ou d’autres traumatismes difficiles à supporter. Mais l’envie de mourir était présente chez moi depuis l’âge de 8 ans.

Après ces quelques jours de mal-être intense et de désespoir – à vrai dire, je ne comprenais pas pourquoi il m’arrivait cela, je n’allais pourtant pas si mal ces derniers temps – j’ai alors commencé à changer. Principalement d’état d’esprit, chose que je pensais impossible. Peut-être possible pour les autres mais pas pour moi. Et là… Je me sentais légère, libre, heureuse et vivante. Plus que jamais. Ça ne s’arrête pas là. Peu après mon emménagement, j’ai discuté de mon problème de vaginisme avec une connaissance. Il m’a écoutée, ne m’a pas jugée, m’a même dit qu’il connaissait beaucoup de femmes qui avaient été violées. Il m’a dit quelque chose pour laquelle je lui en serai à jamais reconnaissante. Il m’a dit « Prend le pouvoir. Fais ce que tu veux. Dis ce que tu veux. Mène la danse. Tu verras, tu vas aimer le sexe et en profiter à fond. Et peut-être même que ça te libèrera de ton problème ». Il n’avait que trop raison. C'est une des raisons principales de ma liberté actuelle : la prise de pouvoir dans une relation sexuelle, la décision, le choix, et bien évidemment, la base de tout ceci : LE CONSENTEMENT. 

J’ai rencontré un ami de mon colocataire, Fred, qui était au plus bas dans sa vie.

Mes amies, au lycée, m’appelaient « Mère Theresa ». Je crois que ce surnom vous donne une idée précise de comment je peux être envers les autres, surtout envers les gens que j’aime, que je pourrais aimer et que je désire. J’ai donc – inconsciemment – pris la décision d’aider ce jeune homme, de lui accorder ma confiance, et de l’épauler dans ce moment difficile.
Je l’ai invité dans mon nouveau chez moi, et nous avons passé une soirée agréable. C’était un jeune homme maladroit, indécis, perdu et attendrissant. Il n’a vraiment rien vu venir. Je l’ai embrassé, il avait l’air agréablement surpris, ce qui m’a encore plus attendrie. Et là, sûrement très maladroitement – je peux être très impulsive et donc maladroite dans mes mots - je lui ai parlé de but en blanc de mon viol et de mon vaginisme. J’avais envie d’en finir au plus vite avec ce problème de non-dits, avec ce blocage dans mon expression verbale. Il a été légèrement perturbé mais très doux et compréhensif. Cela cachait quelque chose, dont je n'ai encore jamais parlé dans ce témoignage (d'où une mise à jour s'imposant). 

A partir de là, j’ai vécu deux semaines de pur bonheur. Du fait de la réflexologie, du travail que j’avais fait sur moi-même pour surmonter mes divers blocages, j’ai enfin réussi à être libérée, dans ma vie en général, et surtout, sexuellement. J’ai vécu plus heureuse pendant ces deux semaines que dans toute ma vie. J’étais impulsive, je réagissais à l’instinct, je me sentais libre, de faire ce que je voulais, d’être avec qui je voulais être, de vivre ma vie à fond, sans me poser (trop) de questions. Fred passait son temps à se dénigrer, mais il m’a véritablement aidée à m’aimer telle que je suis, à jouir d’une liberté sans égal par rapport à ma vie d’avant. J’étais très attachée à lui, il avait toute ma confiance et surtout, je le désirais ardemment.

Il a acheté du lubrifiant, des préservatifs, et nous avons essayé. Ce n’est qu’en écrivant ces mots, ces lignes que je réalise à quel point c’est merveilleux. J’étais au-dessus de lui, je pouvais gérer mes mouvements, j’avais pris le contrôle et je me sentais bien, à l’aise. Et c’est passé. 7 ans de blocage, envolés, disparus, en une douce nuit avec quelqu’un de bien. Il m’a regardé avec des yeux ronds, et je lui ai souris. Il n’en revenait pas. Et moi non plus, d’ailleurs. J’ai essayé de bouger un peu, mais j’avais encore un inconfort, une sorte de friction désagréable. J’ai donc arrêté.

Mon ancienne amie était dans une chambre non loin de là, mais je ne voulais pas la déranger. Je lui ai donc envoyé un message : « C’est passé en entier. J’ai officiellement perdu ma virginité ! ». Elle m’a appelée et m’a dit qu’elle était fière de moi.

Avec Fred, j’ai apprivoisé mon corps, j’ai découvert l’alchimie que peuvent ressentir deux personnes ensemble, j’ai pris le contrôle sexuellement, et dans ma vie également. Je lui disais ce que je voulais qu’il me fasse, je lui donnais du plaisir et ça ne m’excitait que davantage. J’ai appris ce qu’était faire l’amour. Ces mots sont trompeurs, il y a le mot « amour » dedans. Pourtant, lorsque nous couchions ensemble, je ressentais un amour pénétrant, vibrant, heureux et puissant. Je pense que cet amour n’était pas tout à fait réel. Il était juste lié à l’acte en lui-même et à l’envie de donner de soi.

© Brice Portolano
© Brice Portolano

Nous avons également pratiqué la sodomie, et je dois dire que ça n’avait rien à voir avec ma précédente expérience. La passion qui peut s’en dégager est très agréable, excitante et je ressens vraiment du plaisir à être pénétrée. Attention, il ne s’agit pas de se cantonner à cette pratique, pour éviter de régler le problème du vaginisme. Il s’agit d’apprivoiser son corps et de prendre conscience de ce qui nous fait du bien, de ce qui nous donne du plaisir, afin de vraiment profiter un maximum de la sexualité. Pour conclure sur ce Fred, sachez simplement que parfois, l'envie que l'on a de se perdre dans l'autre nous fait perdre de vue nos instincts. Il s'est avéré être quelqu'un de très négatif, et qui m'a laissée tomber comme un préservatif usagé (pour rester dans la thématique), sans aucune considération. J'ai été très en colère, et surtout je l'ai exprimée. 

Exprimer ses émotions, exprimer qui l'on est, ce que l'on veut, qui l'on veut être est aussi une part primordiale de ce déblocage, il permet d'être plus en accord avec soi-même, avec ce désir caché, oblitéré par la souffrance, qui ne demande qu'à sortir, et qu'à s'épanouir. 

Ce n’est pas encore parfait, le plaisir vaginal se fait attendre, mais j’en ai eu des visions, un aperçu. Je ressentais une sorte de fourmillement, de chaleur, de bien-être, et je sentais dans tout mon corps un frémissement, des frissons partout. Je ne saurai exprimer ce que ça m’a fait ressentir, moi, l’enfant gênée, perdue, qui ne se sentait pas « femme ». Aujourd’hui, je me sens « Femme », avec un grand F. Ce fut un travail de longue haleine, avec bien des embuches, bien des tracas. Mais c’est arrivé. Et si ça m’est arrivé, ça peut vous arriver à vous aussi. Je pense à toutes ces personnes qui m'ont envoyé des messages, de remerciements, de soutien, de reconnaissance. Nous ne sommes pas pareilles, mais nous pouvons trouver notre point commun dans le fatras immense de la vie, sexuelle ou amoureuse. Et je pense à vous, je vous souhaite le meilleur. Je vous souhaite de pouvoir être inspiré par ces mots que je laisse ici, à votre intention. 

Conclusion

Peut-être que cela prendra des années, des décennies, avant que vous puissiez profiter de cette joie, de cette sensation d’être une Femme. Mais cela viendra. Il ne faut pas se décourager, il faut se relever quand on tombe, se battre, se construire et aimer. L’amour est la plus belle chose qui existe. Je sais que ça sonne comme une phrase banale, mais je vous assure que c’est ce qui m’a sauvée, ce qui m’a permis de surmonter mes blocages, ce qui m’a fait oublier mon viol et mes soucis de dépression et d’addiction. J’aime. Je vis à fond en aimant. Quitte à tomber de haut et à souffrir plus tard. Mais l’amour m’a sauvée. La confiance aussi. Le désir aussi.

Aimez – vous-même (surtout vous-même) et les autres, et vous vous en sortirez.

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